+la Voix de Dieu+

Chapitre cinq :

Le vent froid du nord arriva, comme il l’avait annoncé. Il fut accompagné de sa maîtresse brume qui nous entourait comme un épais rideau, alors que nous avancions dans la forêt. Les arbres s’étaient assoupis se dégarnissant de leur parure de feuilles. Ael te portait sur son dos comme si tu ne pesais rien. Il marchait à grandes enjambées prenant soin, toutes fois, de ne pas trop te ballotter.
J’avais fini par m’accoutumer à sa présence, gardant mes remarques acides, contraints par la confiance que tu lui portais et que je lisais autant dans tes yeux que dans les timides sourire que tu lui rendais. Tu dormais souvent sur son dos bercé par sa respiration et la protection qu’il t’offrait. La maladie t’avait affaiblie, tu étais toujours pale, te fatiguant et défaillant pour un rien. Je savais mieux que personne que tu détestais cet état de faiblesse. Tu te plaignais souvent d’avoir l’impression d’être une baveuse limace se traînant. Cette comparaison avait le don de nous faire rire, Le sorcier et moi. A force de négociations intenses il avait fini par faire céder ton obstination et ta mauvaise foi. Nous persuadant que ce qu’il y avait de mieux pour toi était un toit et une chaleur douillette. Il connaissait une vieille dame veuve qui cherchait un peu de compagnie. Tu ne disais rien te contentant d’acquiescer à cette proposition, les yeux baissés, mais je savais que tu aurais tant préféré rester auprès de lui. C’est ainsi que nous nous retrouvions sur le chemin parlant de tout et de rien quand tu étais réveillée et nous taisant quand tu sommeillais dans les bras de Morphée sur le dos de notre beau compagnon. Jusqu'à ce jour où brusquement il bifurqua et te déposa ,d’un geste, au pied du Chêne le plus proche. Il m’attrapa d’un mouvement si rapide que je n’eu pas le temps de protester qu’il m’entourait déjà délicatement de ses paumes.
« Ne t’inquiètes pas…nous n’avons pas le temps…tu comprendras » Son ton s’était fait pressant et inquiet.
Ses doigts commencèrent un drôle de danse et le tronc d’un énorme Hêtre se tordit comme si il était fait d’argile. Il s’ouvrit en deux et Ael me poussa en son sein. De nouveau il exécuta une série de geste et j’entendis vaguement murmurer
-« kekkai,… indétectable,… cacher »
Avant que l’épaisse écorce ne me recouvre je pus distinguer ton regard inquiet et les deux grandes enjambés d’Ael pour se positionner à tes côtés aussi protecteur que les ailes d’un faucon. Mais quelle menace s’était dressée devant nous. Je remerciais le ciel de nous avoir fait don d’une vue commune. Ce que je vis par tes yeux me transperça d’effrois. Une onde plus glacée que le vent du grand nord parcouru la forêt. Ultime frisson de la forêt assoupie se demandant si elle ne cauchemardait pas….


Un jeune homme un peu plus âgé que le sorcier avait surgit d’une porte grotesque d’être fantasque. Deux extrêmes dans un si petit endroit, cela en était presque drôle ; il était noir à la peau mate autant qu’Ael était blond au teint pale.

-« Bonjour Ael, le voleur de coeur… je suis si content de te revoir cela faisait longtemps »

-« Quelques temps, il est vrai…je suis moi aussi ravi de te revoir Tyki »

-« Ravi ? Tu en es sur » Il se pencha de côté pour t’apercevoir et je sentit ton cœur battre, déréglé par la peur qui s’insinuait dans tes veines.

-« J’en suis certain mais ,si tu veux faire des rimes en « i », disons alors que je suis surpris que le Conte ne vienne plus lui-même ..Recruter » L’ambiance aurait pu se teinter des couleurs d’une conversation entre deux bons amis si leur aura de puissance ne détonnait pas étrangement. Le Conte…Alors Ael est recruté par le comte ? Finalement l’un des six mages les plus puissants, cela n’était pas vraiment étonnant.

-« mhhh il devient un peu trop enrobé pour se déplacer correctement « badina Tyki d’un ton faussement affligé.

-« Bah il aurait toujours pu se présenter en roulant non ? » renchérit Ael, un sourcil levé. Les deux compagnons s’esclaffèrent en chœur et l’atmosphère sembla se détendre quelque peu.

-« Plus sérieusement Ael, rejoins nous…Rejoins les Noahs ! Avec toi à nos côtés la balance penchera à coup sur et le destin sera scellé »

-« Je ne rejoindrais ni les noahs ni les exorcistes d’ailleurs. Qui prends l’épée périra par l’épée, Tyki ne l’oublie pas ! Tout ce que je souhaite c’est être libre…Comprends moi « 

-« Etre libre ? …Tu ne l’es plus désormais cette fille que tu protèges elle t’enchaîne déjà non ? Tu t’attaches à quelqu’un…c’est bien la première fois…J’ai senti une Innocence à tes côtés. Je ne détecte plus sa présence et je suppose que tu n’y es pas étranger. Cette fille… » De nouveau il te scruta par-dessus l’épaule d’Ael mais cette fois-ci tu tiens son regard noir. « Elle a un énorme potentiel d’exorciste. Mais cela tu le sais déjà n’est ce pas ? Ael le grand sorcier lui, le bourreaux des dames, s’est fait voler son cœur par une future exorciste ...N’est ce pas romantique ? »

-« Te voila bien moqueur j’ai eu vent que tu étais toi-même épris d’une jeune exorciste aux cheveux prunes et aux yeux couleur d’émeraudes.. » Le rictus sardonique du noah fondit comme neige au soleil. Il paru fiévreux et déambula le long de la clairière comme si il eut voulu creuser une tranchée avec ses pieds. Il stoppa soudain sa ronde et se retourna vers toi. Il marcha dans ta direction sans prêter garde au sorcier et à ses muscles tendus, sa veste de costume volant au grès de sa démarche décidée. Il tendit une main gantée vers toi et demanda d’un ton polis et avenant

-« Et si la jeune demoiselle rejoignais notre clan, ELLE ? » Avant que je perde notre vue synchronisée j’eu le temps de voir le visage d’Ael déformé par une soudaine colère et entendre un grognement sourd monter de son gosier.

Le vent s’éleva tourbillonnant dans les cheveux dorés et le visage de Tiky affichait toujours un sourire léger.